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Art et Décoration  Volume XVIII    Page: 185
 
Des Bijoux By Gustave Geffroy
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Des Bijoux

des coléoptères aux formes arrondies, aux allures paisibles, grimpent tranquillement aux
cordes de métal qui attachent le lustre au
plafond, sans se soucier du tournoiement affolé
des demoiselles verdâtres et azurées, agitées
et brûlées par le foyer incandescent de la force
électrique.


Louons M. René Lalique pour avoir mis en
honneur par le bijou tout ce monde animal à
peu près négligé par l'art français. On peut
chercher, on trouvera peu d'exemples de cette
observation naturiste dans la sculpture et l'objet. Il y a des animaux dans l'art gothique, des
oiseaux, des poissons, des crabes, aux portails
des cathédrales. Il y a des animaux sur les
plats de Bernard Palissy. La sculpture a représenté des chevaux, des lions, des chiens. Mais
toutes les exceptions ne font pas une règle.
N'y a-t-il pas eu une surprise, pendant la première partie du XIXe siècle à voir Barye se
manifester surtout comme sculpteur d'animaux? Il reprenait là une grande tradition,
celle des Assyriens, des Egyptiens, mais il se
mettait en désaccord avec la sculpture idéaliste et héroïque de son temps, qui était bien
tombée dans la convention à force de vouloir
raffiner les symboles et les intentions. Et Barye ne se contentait pas des animaux dits
nobles, des grands carnassiers, des «coursiers»
fougueux. Ne condescendait-il pas à modeler
le museau rond et les longues oreilles de Jeannot lapin ?


M. René Lalique n'aurait pas plus de préjugés que le grand artiste qui vient d'être
nommé. M. Pol Neveux nous a dit, au cours
d'un article paru ici même, que son ami
Lalique était du pays de La Fontaine, et
qu'il devait à cette origine champenoise le
goût des bestioles de l'air et des champs? Les
brèves descriptions du fabuliste, enivré de la
poésie des choses, sont en effet des thèmes
tout indiqués pour un artiste qui veut apprendre
par l'observation précise, les allures, les mouvements, les caractères des animaux. Je crois
néanmoins qu'il faut plutôt chercher à un mode leur de formes tel que M. René Lalique une
ascendance plastique, et que ses vrais maîtres
sont les artistes japonais, si proches parents,
d'ailleurs, de notre La Fontaine, qu'une édition des Fables a pu paraître à Tokio, illustrée
par des dessinateurs du Nippon.


Car les Japonais n'ont pas dédaigné l'animal, et je me souviens de la jolie étude écrite
à ce sujet par le regretté Ary Renan dans le
Japon artistique, édité par S. Bing, — encore
un disparu! regretté aussi pour sa science si
réelle des choses de l'Extrême-Orient, pour sa
belle conviction, et pour sa parfaite et amicale
bonne grâce. Ary Renan, donc, démontra, en
son langage délicat, que les Japonais avaient su
tout voir de la nature animée, qu'ils avaient non
seulement capté le vol de l'oiseau, mais aussi
celui de l'insecte ailé, et même le cheminement, à ras de terre, sous un brin d'herbe, de
l'être le plus menu, de celui qui en est le plus
fragment visible de l'immense tout. De fait,


Bijou de corsage, émeraude et cristal gravé et émaillé.