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Art et Décoration  Volume XVIII    Page: 179
 
Des Bijoux By Gustave Geffroy
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Des Bijoux

les hommes, toutes les femmes qui vivent, ont
en leur possession un bijou, précieux ou quelconque. Pour les femmes, il n'est pas besoin
d'y insister, elles possèdent des bijoux en
abondance. Et l'homme le plus ennemi des
bijoux ne porte-t-il pas sur lui une montre,
une bague, une épingle de cravate? Il y a des bijoux plein les vitrines des musées et des collections, des bijoux de l'Egypte, de l'Assyrie,
de la Grèce, de l'Etrurie, de Rome, de Byzance,
de l'époque romane et de l'époque gothique,
de la Renaissance, en Italie, en France, en
Flandre, en Allemagne... Mais combien d'autres ont disparu! Les matières précieuses dont
ils sont faits sont une cause de destruction, ou
plutôt de transformation.


Puis on a continué à faire des bijoux après
la Renaissance, mais on sait qu'il y a eu déperdition, décadence, que la perle et le diamant ont pris plus d'importance que les matières travaillées, façonnées, marquées au goût
particulier d'un artiste. Il y eut une renaissance au XIXe siècle, et même deux renaissances,
puisque l'histoire de notre temps a été coupée par la guerre de 1870-1871. C'est à cette
seconde renaissance qu'a pris part M. René Lalique. Il a remis en honneur, à son tour,
et d'une manière qui est devenue de plus en
plus personnelle, le bijou où toutes les matières peuvent jouer un rôle, depuis les plus
rares, les plus coûteuses, jusqu'aux plus ordinaires.


Au-dessus du prix intrinsèque, il a placé la
valeur artiste. Par l'invention, par l'arrangement, il a revendiqué la marque personnelle.
On en était arrivé, tout naturellement, à faire des bijoux à peu près semblables, et il ne venait même plus à l'idée de personne de se préoccuper
de la signature de ces objets qui sont pourtant
des objets d'art. M. René Lalique, parce qu'il avait en lui un don de création, a fait connaître presque subitement une autre espèce de bijoux.

Ce ne sont pas toujours des bijoux à porter,
ce sont parfois des objets à garder dans un
écrin, ou derrière la glace d'une vitrine. La
raison de cette tendance chez l'artiste, on croit
la trouver dans la destination de ses premiers
travaux. Il a inventé et façonné des bijoux pour
des princesses de théâtre, il a subi l'effet
bizarre et violent, il a cherché et trouvé des
formes et des couleurs visibles, des motifs singuliers pour orner la coiffure d'une Théodora.
Voyez la couronne où des aiglons au crâne
plat, au bec féroce, aux ailes éployées, entourent la petite croix posée sur la calotte ronde
comme sur un dôme, et cette autre couronne
faite d'un nœud mouvant et tortillé de vipères


Bijou de corsage ivoire sculpté et cristal gravé et émaillé.