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Art et Décoration  Volume III    Page: 180
 
Les Bijoux aux Salons de 1898 By Henri Vever
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Les Bijoux aux Salons de 1898

qui se porte très haute. C'est un reproche que
j'ai entendu formuler couramment et très judicieusement, et dont il y aurait lieu de tenir
compte pour l'avenir. Notons en passant que
ce sont les Japonaises — ainsi que l'a très justement observé Théodore Duret, — qui, les premières de toutes les femmes, eurent l'idée de
transformer le peigne en
objet d'ornement planté
d'une manière fixe sur
la tête, et cette mode
n'est pas antérieure à
1700. Les nombreux
peignes qui existent depuis la plus haute antiquité jusqu'à cette date,
même lorsqu'ils étaient
des objets d'art décorés
et ornés comme ceux
des Assyriens, des
Égyptiens, du moyen
âge et de la Renaissance,
étaient toujours des peignes liturgiques ou des
peignes à peigner. Il
n'était venu à l'esprit
d'aucune femme, dans
aucun pays, de se mettre un peigne sur la tête
en permanence, d'en
faire un objet d'ornement en même temps
que d'utilité pour retenir la chevelure.

Mais pour revenir aux
bijoux qui nous occupent, il serait bien curieux de voir quel effet
produirait dans la coiffure ce diadème en
bronze vert formé d'une
naïade qui, le torse rejeté en arrière, soulève
au-dessus de sa tête une
opale de forme ovoïde dont elle semble admirer les mille couleurs qui s'y entre-croisent.
Les jambes de la sirène se prolongent
en manière de tentacule rehaussé dé-ci dé-là
par une minuscule goutte d'émail vert, et
viennent s'enrouler autour de deux gros
camées d'opale sur lesquels sont figurés des
poissons. Ces deux camées doivent se placer
de chaque côté de la tête, au-dessus des tempes.
Restez quelques instants devant cet objet, et

observez-le à loisir, vous entendrez bien des
réflexions intéressantes : on cherche à se rendre
compte de l'effet que produirait cette pièce qui
est fort belle en elle-même, mais qui a dû être
faite spécialement pour la personne qui la
portera. Que deviendrait sur une chevelure
brune ou blonde cette belle patine sombre?
nous ne sommes plus
à l'âge d'airain; une
telle sévérité est-elle
bien seyante dans la
parure d'une Parisienne? C'est un objet
qui, dans la vitrine de
M. Lalique, est plus
charmant encore parle
contraste qu'il forme
avec les parures si heureuses de couleur qui
l'avoisinent. Nous pensons que, sans vouloir
être trop «bourgeois»,
ces critiques ne sont
pas tout à fait dénuées
de fondement, et qu'il
ne faut jamais perdre de
vue la destination, sinon l'utilité de tout objet d'art.

Voici des pendantifs
ou, pour mieux dire, des pent-à-col, dont la
vogue fut si grande au
moyen âge et jusqu'à la
fin de la Renaissance.
A cette époque, ils atteignaient parfois des
prix exorbitants, et l'inventaire des joyaux de
la reine Clémence en
1328, celui de Charles V en 1380 nous en
signalent plusieurs qui
étaient prisés fort cher,
certains sont parvenus jusqu'à nous; nous
pouvons les admirer au Louvre, à Cluny, au
cabinet des médailles de la Bibliothèque Nationale, sans compter ceux des collections
particulières et des musées étrangers parmi
lesquels il convient de citer tout spécialement
l’Ermitage de Saint-Pétersbourg et la Voûte
verte de Dresde. Nous en voyons aussi reproduits dans maints portraits de grandes dames
et de reines. Holbein en a dessiné qui sont


Peigne d'ivoire patiné : guirlandes de fleurs en or,
émail et diamants. R. LALIQUE.